Nouvelles graphiques par Nicholas Romer

Apex

A Chairman of steel

Science fiction

A toi de lancer les animations au cours de ta lecture

Je suis le CEO de Gargantua Corp.

Gargantua gère l’extraction de minéraux et leur expédition à travers le système solaire. Cette industrie pèse plus de 1,2 trillions de Siwan.

J’ai réalisé mon premier milliard dans l’industrie de la pâte d’insectes à gain de fonction. Aujourd’hui, 90% de la population terrienne et 45% des colonies apprécient mes biscuits nutritionnels. J’ai par la suite investi dans le tourisme spatial avec un certain succès. Des milliards de yeux ébahis ont pu assister émerveillé au spectacle ahurissant de l’acrobate en feu surfant entre les astéroïdes de la ceinture du Centaure.

Ma dernière aventure professionnelle et la plus passionnante reste l’extraction minière spatiale. Cette activité pèse aujourd’hui 23 trillions de Siwan, l’équivalent du budget du gouvernement mondial terrien.

J’étais intouchable. Personne ne pouvait ne serait-ce qu’imaginer s’opposer à moi.

Quand vous avez des milliards de vies dans la paume de votre main vous ne craignez qu’une chose. Être renversé.

Je me suis isolé dans ma gigantesque tour. J’étais fasciné par la hauteur. Tout devait être haut. Du siège social de Gargantua qui émergeait des nuages à mon propre bureau où les visiteurs restaient ébahis par les 11 mètres de hauteur du plafond.

Nous avons reçu ce signal d’origine inconnu un lundi matin frais et sec. Nous avons remonté jusqu’à sa source sur le versant obscur de la lune. Mon bras droit, Leozardo, a paradé dans mon bureau précédé d’une effluve de rat putréfié. En tant que mutant homme lézard, il nourrit d’étranges habitudes. Digérer des rongeurs en fait partie.

C’est bien plus qu’un simple signal…

C’est une sorte de roche magnétique… Elle irradie des sons rougeoyants… On a décidé d’en savoir plus avec mes équipes…

Leozardo m’a fait partager ses clips rétroactifs. Au lieu de phrases que nous échangeons régulièrement par télépathie, il m’a permis de visionner ses propres visions passées sur notre lune comme avec ce technicien du derrick 9 qui s’est approché sans enthousiasme de cette roche rouge. Dès qu’il effleura la roche il devint incontrôlable… 

J’étais excité au-delà de la raison.

J’ai filé vers notre base lunaire le même jour. Si cette énergie inconnue était à portée de main, elle serait à moi.

Oracle 2, ma navette à fusion, me transporta là-bas en moins de 6 minutes. Je n’accordai aucune attention aux 125 employés alignés devant moi et j’ai filé sur ma moto à plasma vers l’endroit où la roche rouge était apparue.

Vitesse… Toujours être le premier… C’est comme ça que j’ai mis la main sur la moitié des sols lunaires. En implémentant nos derricks, en construisant des casernes, des logements tandis que les autorités terriennes examinaient sans fin mes titres de propriétés. Des clowns.

Le rocher radioactif était déjà enfoui profondément dans la roche comme s’il cherchait à se préserver de tout contact extérieur. J’ai atteint le gouffre très rapidement alors qu’une étrange trainée verte s’échappait de l’abysse vers l’horizon étoilée. Un vaisseau inconnu venait sans doute de larguer son passager. Ca me rendait nerveux

Grâce à mon équilibre précaire au-dessus du vide je pouvais percevoir les radiations rougeoyantes 20 mètres plus bas. Le minéral agissait comme un aimant. Je ne pouvais le quitter des yeux. Et j’ai perdu l’équilibre.

La chute m’apparut sans fin. Mais j’ai réussi à allumer ma turbine dorsale et ainsi ralentir mon plongeon. J’ai atterri au beau milieu d’une masse gélifiée pestilentielle. Le cœur de la roche pulsait à portée de main. Soudain, une pointe acérée me perça profondément la cuisse gauche. Je lâchais un cri de douleur qui résonna contre les parois étroites de la cavité.

Mes souvenirs de cet instant de pure démence sont épars. J’imagine que mon cerveau, dans son désir d’éviter que je sombre dans une folie ravageuse, a gardé ses stigmates dans un coin inaccessible.

Mais j’ai pourtant encore des sommeils agités.

Les pulsations rougeoyantes agissaient tel un appât. Elles avaient envoyé un signal jusqu’au confins de Proxima b. Visiblement, mon désir de m’accaparer cette source d’énergie inconnue avait été partagé par d’autres dans cette galaxie.

Au fond de ce puits étaient tapis plusieurs entités extra-terrestres pour qui je ne représentais visiblement aucune valeur.

Le dard qui avait percé mon armure faisait partie d’une tentacule qui pendait le long d’une sorte de calmar géant. Mais cette douleur insupportable fut rapidement dominé par d’autres agressions des hôtes de cet enfer.

Seules les radiations de la roche me permettaient d’entrevoir mes adversaires par intermittence. J’aurais préféré rester dans le noir. J’ai surtout décelé leur volonté de survivre et d’écraser toute menace.

Une boule de poils munie d’horribles pattes velues tentait vainement de gravir la paroi mais sans succès. La surface huileuse de la roche l’a renvoyait aussitôt à terre comme un vulgaire sac de linge. Ces efforts infructueux de la bête décuplaient sa rage et sa fureur contre ses adversaires.

Un être à l’anatomie très proche de la nôtre, à la peau translucide et à la musculature disproportionnée, enroula ses jambes autour de mon cou alors que je tentais de repousser le dard du calmar gélifié. Et comme si cela n’était pas assez. Une entité nous survolait sous la forme d’un nuage rosâtre et me vrillait le cerveau… 

Si l’enfer existe, c’était bien là bas. 

Et comprenez-moi bien. La vie extraterrestre existe bien. Et elle est foutrement moche à voir.

Durant l’empire romain, on prétend qu’une torture sévissait auprès de renégats. Le condamné était introduit dans un grand sac de cuir cousu avec un singe fou, un rat affamé, un aigle et un coq sauvage. Le sac était alors jeté dans une rivière et le supplice prenait place dans cet espace réduit.

Cette fable m’a traversé l’esprit alors que mes opposants se retiraient chacun dans un coin pour panser leurs plaies. Mon armure n’avait plus d’armure que le nom. Mon torse était recouvert de piqûres saignantes et de démangeaisons qui rendaient ma respiration difficile. Mon respirateur de survie affichait 3 minutes de réserve.

Au travers d’un jeu d’ombres scabreux, j’ai pu entre-apercevoir mon adversaire au morphotype humain en train de fondre sous la masse spongieuse du calmar. Cette vision d’horreur a eu le mérite de réveiller en moi un dernier sursaut de survie. J’ai alors concentré mes efforts télépathiques vers Leozardo.

… J’arrive…

Sa voix râpeuse résonna comme un don de Dieu. Un câble dégringola lourdement de la surface. Je tâtonnai pour le récupérer et je fus immédiatement remonté. Le calmar agrippa ma cheville et parvint presque à me ramener en enfer mais je pu m’extraire de sa prise en secouant frénétiquement mon pied.

Une heure plus tard, j’étais de retour chez moi.

J’ai souffert de multiples blessures et ma convalescence s’éternisa plusieurs semaines dans un pod médical. Je ne pouvais plus bouger et ce fut une expérience toute nouvelle pour moi. Les droides infirmières n’avaient que pitié et tristesse dans leur regard.

Le respect et la crainte que j’inspirais n’étaient plus.

J’avais tout le temps devant moi pour réfléchir à ma nouvelle situation.

Aujourd’hui, vous me voyez tel que je suis. Infirme dans un fauteuil roulant d’un autre âge. Mes plafonds infinis et ma garde rapprochée génétiquement modifiée de 3 mètres de haut n’existent plus.

Le fauteuil est un rappel quotidien de mon nouveau moi. Humble, modeste, fragile. Étonnamment, cela rend ma vie plus facile. Inspirer la crainte était nerveusement épuisant.

Est-ce que je suspecte Leozardo d’avoir lancé le câble un peu tard ? Bien sûr. C’est aussi un fin connaisseur de l’histoire romaine. La roche rouge a, quant à elle, mystérieusement disparue. Et j’ai surpris des rumeurs concernant les nouvelles ambitions de Leozardo à la tête de Gargantua. Nous verrons…

Ce fauteuil, je l’ai déniché dans les tréfonds de ma tour. Comment a-t-elle atterri là ? Et bien, j’ai appris que mon quartier général avait été bâti sur les ruines d’un vieux magasin d’antiquités. J’ai pu me faufiler à l’intérieur il y a un mois et, à l’ombre d’un tas de vieilles brocantes, j’ai vu ce fauteuil attirer irrésistiblement mon regard.

Sous sa couche de poussière et ses toiles d’araignées, il dégageait une aura qui n’avait rien à envier à la roche rouge.

Ce fauteuil recèle des pouvoirs.

Avec le temps, je les mettrait à l’épreuve.

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